La "rivalité" entre les solutions ferroviaires et les solutions basées sur les bus n’est pas nouvelle. En Amérique du Nord, la classe politique a largement malmené l’attrait des services rapides par bus (SRB). Les considérant trop souvent comme une solution bon marché, elle a eu tendance à sous-investir dans les infrastructures et aménagements requis pour leur succès. À l’opposé, les projets de tramways sont généralement accompagnés d’importants investissements de revitalisation des quartiers où ils sont déployés, contribuant ainsi à une image populaire plus favorable.
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À la lumière des innovations que nous souhaitons apporter pour combler l’écart existant entre bus et rail léger, il nous apparait essentiel de remettre en perspective certains arguments en faveur des SRB comme véritable solution de transport durable.
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Cela permet de poser les bases pour une évolution vers des services rapides par trams routiers (SRTR).
Service rapide par bus
Le concept de service rapide par bus (SRB) a été mis de l’avant pour imiter le service d’une solution de rail léger à partir d’autobus. En Amérique du Nord, deux facteurs ont toutefois limité le plein développement de ce concept jusqu’à maintenant : i) le déploiement inadéquat de plusieurs projets, notamment en raison d’une approche visant essentiellement une solution à faible coût plutôt qu’une solution de grande qualité et efficace; et ii) une limitation dans la capacité des autobus qui permet difficilement d’atteindre le niveau de service d’une solution ferroviaire.
Mais définissons d’abord adéquatement la notion de SRB, car l’expression a beaucoup été galvaudée. Selon la norme officielle maintenant reconnue dans l’industrie, un SRB est défini comme suit1,2:
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Un système de transport en commun par bus de haute qualité qui offre un service rapide, confortable et efficient sur le plan économique à l’échelle métropolitaine. Cela grâce au déploiement de voies dédiées et séparées, avec des stations généralement alignées sur le centre de la route, avec un système de collecte hors véhicule et un service à fréquence élevée.
L’industrie reconnait plusieurs niveaux de déploiement, allant de basique, à bronze, argent et or selon une grille de pointage.1,2 Au Canada ou aux États-Unis, aucun projet classé or n’a encore été mis en service (la majorité est classée bronze ou basique, deux projets aux États-Unis sont classés argent; à noter que plusieurs projets se prétendant SRB ne sont pas conformes aux normes minimales pour le niveau basique). Beaucoup plus qu’un simple service amélioré d’autobus, un véritable SRB prévoit des investissements en infrastructures et un modèle de fonctionnement favorisant sa rapidité et son efficacité. En d'autres termes, un système de SRB comprend trois piliers : véhicules, infrastructure et opérations efficaces.
Dans le cadre du projet européen eBRT 2030 en cours de réalisation, l'UITP a retenu 5 critères fondamentaux pour caractériser et évaluer un système de SRB7:
- Emprise routière (infrastructure de priorisation des véhicules)
- Fréquence et étendue du service
- Commodité et accessibilité des stations
- Image de marque et communications
- Performance opérationnelle (vitesse et temps de parcours)
Transport durable et viabilité économique
L’avantage incontestable d’un SRB par rapport au rail léger est en définitive le coût. Le coût plus élevé du rail est notamment issu des infrastructures qu’il exige, à savoir : rails et aiguillages; renforcement de la fondation de la voie (poids élevé des véhicules ferroviaires et impact sur les réseaux souterrains); caténaire et équipements connexes; dépôt spécial relié au système par des voies ferrées; aménagements spéciaux liés aux contraintes ferroviaires (grand rayon des courbes nécessitant davantage de travaux et de réaménagements, tunnels pour éviter des montées abruptes, etc.).
Bien que de nombreux facteurs propres à chaque situation puissent fortement l’influencer, le coût moyen typique d’un projet de rail léger se situe aux environs de 50-100M $/km, alors qu’un projet SRB de qualité (selon la norme or de l’ITDP) est plutôt de l’ordre de 15-30M $/km.1,3,4
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Alors qu’un réseau de quelque 30km coûterait entre 1,5 et 3 milliards de dollars pour un projet de rail léger, l’équivalent en SRB de qualité comparable pourrait coûter entre 450 et 900 millions de dollars.
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À l’heure où nos sociétés doivent faire des choix socialement responsables, chaque dollar public d’investissement en transport collectif devrait maximiser les retombées en termes de rehaussement des services offerts et de conversion du voiturage en solo vers le transport collectif.
Si l’on observe actuellement un vent favorable à plusieurs projets de rail léger en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde, des investissements aussi massifs sont difficilement soutenables à long terme. Ils ne sont surtout pas économiquement justifiables pour plusieurs agglomérations fortement étalées et moins denses que les très grands centres urbains.
Dans un contexte de crise climatique, il faut aussi se demander quelle option aura le plus d'impact pour l'investissement disponible. Un meilleur mix de solutions de transport doit être planifié et Pantero apporte une solution qui change la donne.
Quelques mythes sur les SRB
Mettons de côté pour un instant la question des caractéristiques et capacités des véhicules pour examiner d’autres éléments au cœur de la concurrence entre bus et rail. Plusieurs études comparant les SRB aux alternatives ferroviaires ont été réalisées au fil des ans. Si on peut tirer plusieurs leçons des divers cas de succès ou d’échec, de nombreux mythes restent à déboulonner.
Mythe #1 : Les solutions ferroviaires sont plus attirantes pour la population
Bien que plusieurs personnalités publiques tentent de renforcer cette perception, la réalité est beaucoup plus subtile et nuancée qu’elles ne le laissent entendre. Une analyse plus poussée de la question tend à démontrer qu'un SRB de qualité peut reproduire à la fois les normes de fonctionnalité et l'attractivité qu’on associe généralement au rail. De plus, même un service minimal à faible investissement fonctionne remarquablement bien par dollar investi. En fait, le choix d’un service ferroviaire ou d’un SRB de qualité n’aurait qu’une influence secondaire sur les perceptions globales de la population en matière de désirabilité. Ce sont plutôt les efforts connexes déployés pour revitaliser une zone urbaine devant accueillir un projet de tramway qui en rehaussent l’image et la perception positive et non le tramway en soi.5
Mythe #2 : Le rail est plus confortable pour les passagers
Une analyse de la question révèle qu’un SRB est généralement aussi performant que le rail léger quant aux perceptions du confort des passagers.3 C’est d’autant plus vrai de nos jours, compte tenu de l’électrification des véhicules et des systèmes intelligents dont ils peuvent être équipés, comme l’assistance à la conduite et le contrôle des accélérations et des freinages. Cela dit, la qualité des stations et la densité de passagers à bord sont les principaux facteurs de confort identifiés, les véhicules bondés étant une source majeure de désagrément.
Mythe #3 : Seules les solutions ferroviaires stimulent les investissements et le développement urbain
Le SRB est souvent perçu comme étant mieux adapté aux environnements à faible densité. Cependant, l’expérience acquise démontre que, dans les bonnes conditions, il peut tout aussi bien que les systèmes ferroviaires, favoriser le développement urbain et promouvoir une croissance plus durable.4 L'ITDP a mené une étude de 21 corridors de SRB ou de rail léger dans 13 villes nord-américaines.6 Cette étude démontre que le SRB génère plus d'investissements en développement axé sur le transport en commun (TOD) par dollar investi que le rail léger. En fait, ce sont plutôt les politiques publiques favorisant une approche TOD qui sont le meilleur gage de succès. La perception des urbanistes des pays développés voulant que le rail engendre davantage de développement que les systèmes de bus de haute qualité serait donc mal fondée.3
Limites actuelles et perspectives d'avenir
Deux facteurs limitent les SRB : la capacité de service des véhicules en tant que tels et par extension la possibilité de mettre suffisamment de véhicules en service à une période donnée. Ce sont d’ailleurs ces facteurs discriminants qui justifient le choix du rail plutôt que d’un SRB.
Un bus urbain nord-américain de 12m peut accueillir environ 80 passagers. Un bus articulé de 18 m peut recevoir à peu près 130 passagers et un bus biarticulé de 24m (pas encore déployé en Amérique du Nord) jusqu’à 180 passagers. Les données indiquant des chiffres théoriques parfois beaucoup plus élevés sont peu réalistes en pratique dans le contexte nord-américain. En comparaison, les tramways de 25m à 50m ont une capacité typique variant de 170 à 350 passagers. Pour leur part, les SLR peuvent avoir des capacités allant jusqu’à 600 passagers et plus.
Maintenant, l’enjeu clé. Pour une société de transport, le coût des chauffeurs représente typiquement environ 50 % du budget d’exploitation d’un réseau d’autobus. S’il paraît simple de doubler le nombre de bus en service pour doubler la capacité d’un réseau, l’impact sur le budget d’exploitation rend la chose généralement impossible et non rentable. En effet, la plupart des réseaux de transport public sont sous pression financière pour maintenir leur équilibre budgétaire et la contribution des usagers ne représente qu’une faible part du financement. Ainsi, les revenus supplémentaires d’achalandage ne peuvent pas compenser l’augmentation des frais d’exploitation.
Cette situation est l’un des facteurs importants expliquant pourquoi le rail léger, et en particulier le tramway, est souvent privilégié par les villes pour augmenter de façon significative l’offre de service. En effet, les coûts élevés d’immobilisation font alors l’objet d’un financement spécifique des paliers gouvernementaux supérieurs et les coûts directs d’exploitation assumés au niveau municipal demeurent raisonnables. Le modèle actuel de financement est un facteur non négligeable dans le choix des projets priorisés par les élus municipaux.
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Pantero s'inscrit dans une optique de développement durable où la viabilité économique des investissements est un critère fondamental. En offrant pour la première fois des véhicules routiers ayant des capacités comparables à celles d’un large éventail de tramways, le tout parfaitement adapté pour une circulation en milieu urbain dense, nous changeons significativement la donne et propulsons le concept de SRB vers une nouvelle ère : les services rapides par trams routiers (SRTR).
- Getting to BRT: An Implementation Guide for U.S. Cities; Institute for Transportation & Development Policy (ITDP), September 2019.
- The BRT Standard - 2016 Edition; Institute for Transportation & Development Policy (ITDP) and al., June 2016.
- A Worldwide State-of-the-Art Analysis for BRT: Looking for the Success Formula; Nikitas, A. and Karlsson, M.; Journal of Public Transportation, Vol. 18, No. 1, 2015.
- BRT - An Efficient and Competitive Mode of Public Transport; Cervero, R.; 20th ACEA Scientific Advisory Group Report, December 2013.
- Examining the Ridership Attraction Potential of BRT: A Quantitative Analysis of Image and Perception; Cain, A. and Flynn, J.; Journal of Public Transportation, Vol. 16, No. 4, 2013.
- More Development for Your Transit Dollar: An Analysis of 21 North American Transit Corridors; Hook, W. and al.; Institute for Transportation & Development Policy (ITDP), November 2013.
- On the road to a concept for BRT; eBRT2030 Project, Union internationale des transports publics (UITP), February 2024.
Ces références sont disponibles dans notre Centre documentaire.